Agronutris fait mouche à Rethel en créant 40 emplois

Agronutris

Agronutris veut répondre aux enjeux de demain en valorisant l’intérêt stratégique des insectes.

Agronutris, entreprise spécialisée dans l’élevage et la transformation d’insectes, va s’implanter à Rethel, avec comme animal principal la mouche soldat noir.

La bonne nouvelle a été annoncée par Renaud Averly, le président du Pays Rethélois lors du dernier conseil communautaire, début novembre. Agronutris, entreprise liée à la biotechnologie, créée en 2007 à Saint-Orens de Gameville près de Toulouse et spécialisée dans l’élevage et la transformation d’insectes va créer un site industriel de grande envergure sur la zone d’activité de Rethel, rachetée en 2018 au Département.

Cette usine produira sur place plusieurs milliers de tonnes de larves de mouches destinées à la nutrition des poissons d’élevage (saumon, truite, bar, daurade…) et des animaux de compagnie et à fournir un fertilisant bio. Cet élevage à échelle industrielle débouchera à l’horizon 2022 sur la création de 35 à 45 emplois qualifiés, à savoir : dix cadres (RH, direction, qualité), dix techniciens de maintenance (nettoyage et logistique interne) et vingt opérateurs (conducteurs de lignes).

Objectif poursuivi : l’élaboration et la production de protéines à base d’insectes afin d’offrir aux secteurs de l’alimentation animale et piscicole des solutions naturelles et durables valorisant les coproduits et les bio-résidus. Afin de finaliser cette phase d’industrialisation qui nécessitera un investissement d’une quarantaine de millions d’euros pour faire d’elle un acteur prépondérant de la filière insectes, la SAS haut- garonnaise (15 salariés) sera soutenue par un équipementier de dimension mondiale et un bureau d’étude spécialisé, accompagnée par l’agence de développement économique ardennaise qui suit ce projet depuis juillet dernier. Une visite du site rethélois avait d’ailleurs été organisée le 22 août 2019.

Les services de l’Etat, la Région Grand Est, BPI France, la Banque des Territoires et Ardennes Développement sont mobilisés avec le Pays Rethélois sur ce projet d’envergure et d’avenir.

NEUF HECTARES DE TERRAIN

Selon Mehdi Berrada, président d’Agronutris, cette première usine industrielle sera opérationnelle au second semestre 2021. D’après nos sources, un bâtiment de trois à quatre hectares serait érigé avec salles climatisées et systèmes de sas.

Un accord a en tout cas d’ores et déjà été conclu avec la communauté de communes du Pays Rethélois pour l’acquisition d’un terrain d’une superficie totale de neuf hectares situé face au lycée agricole, le long de l’autoroute. Une réserve foncière qui indique que l’investisseur prévoit un essor rapide sur un marché au potentiel très porteur.

Rappelons l’exemple connu à Poulainville près d’Amiens où Ynsect a procédé en début d’année à une levée de fonds de 110 millions d’euros pour développer plus encore sa production. Le secteur d’activité représente, en effet, un marché gigantesque : avec une population mondiale qui atteindra les 9 milliards d’habitants, le modèle alimentaire actuel devrait en effet nécessiter la production de 70 % de protéines supplémentaires d’ici 2050.

« D’ici à 2026, le besoin de protéines animales de l’industrie devrait doubler. Au regard des ressources marines limitées, le besoin de protéines animales alternatives s’élève donc à 9 milliards d’euros », avance un connaisseur du milieu. D’où la nécessité de développer des alternatives nouvelles comme la farine d’insectes pour répondre aux besoins.

En concurrence avec Bazancourt (Marne), le Pays Rethélois qui a tout de suite cru en ce projet inédit l’a prouvé en proposant du foncier à un prix très compétitif (12 euros le m2) et en votant une avance de 500 000 euros remboursable sur cinq ans par l’investisseur. Un coup de pouce décisif pour la concrétisation du projet sur le terrain.

UNE PRODUCTION ÉCOLOGIQUE

Agronutris sait qu’elle bénéficiera, ici, d’un environnement économique favorable avec la possibilité de recourir à plusieurs sources d’alimentation pour nourrir la mouche soldat noir. Cela en ayant accès aux coproduits du pôle agroindustriel de Pomacle-Bazancourt. Des négociations de contrats à long terme de collaboration exclusives auprès de fournisseurs de co-produits et bio-résidus seraient déjà en cours de finalisation.

Trois produits seront conçus à Rethel : une farine d’insecte délipidée, une huile d’insecte destinée au « petfood » et des déjections utilisables comme fertilisants naturels. Les protéines d’insectes utilisées en aquaculture pouvant quant à elles se substituer à la farine et à l’huile de poisson.

Après avoir lancé son pilote de production dans ses laboratoires du Sud-Ouest dès 2011, l’entreprise soutenue par l’INRA et de futurs clients a élevé jusqu’à neuf espèces insectes. C’est la mouche soldat noir qui a été sélectionnée pour être élevée à Rethel. « Elle présente la solution la plus efficace de recyclage et de valorisation des co-produits, et demain des déchets alimentaires ».

À terme, Agronutris entend répondre à trois enjeux majeurs découlant de la croissance démographique mondiale. Primo, pallier la pénurie structurelle de protéines et de terres agricoles. Secondo et tertio, réduire le gaspillage alimentaire en recyclant les co-produits et les bio-résidus ainsi que la tension sur les ressources marines via l’aquaculture.

C’est donc une activité résolument tournée vers l’avenir et présentant également un intérêt sur le plan environnemental qu’Agronutris amène en terre ardennaise. Un programme vertueux auquel contribuera le Pays Rethélois. Au point de disposer avec ce nouveau type d’élevage et après le boudin blanc d’un autre savoir-faire culinaire voué, cette fois, à la nourriture des poissons et animaux de compagnie ?


Renaud Averly

 » ON A DES ATOUTS POUR ACCUEILLIR D’AUTRES PROJETS  »

Renaud Averly, vous êtes le président de la communauté de communes du Pays Rethélois. Comment êtes-vous parvenu à concrétiser l’arrivée à Rethel de cette belle pépite ?

Nous sommes entrés en liaison avec l’investisseur par le biais d’Ardennes Développement Economique qui avait eu vent de cet appel à projet. À partir de là, nous nous sommes positionnés et avons eu une réunion tripartite suivie d’une visite du site avec les dirigeants d’Agronutris le 22 août dernier. Le profil de l’endroit, la proximité d’un transformateur, de l’autoroute et surtout de l’échangeur de l’Etoile a vite paru correspondre à leur besoin. Et puis nous leur avons proposé un prix d’achat du terrain plus qu’intéressant. Dans la semaine qui a suivi, le dossier s’est mis en branle avec les notaires et les juristes en vue du futur aménagement.

Pensez-vous qu’on en restera aux 40 emplois envisagés initialement ?

Le chiffre de 40 emplois correspond à la mise en route du process au lancement de l’usine. Après ? On verra… Mais l’essentiel pour moi est que grâce à cette implantation, Rethel va bénéficier d’une filière d’avenir où il existe apparemment de gros débouchés. C’est donc une excellente opération pour le territoire.

Faites-nous le point du développement économique sur votre bassin d’emplois ?

Outre les entreprises existantes dont certaines ont procédé à des extensions, nous venons dans la discrétion et en l’espace de deux ans de vendre dix des treize parcelles de 1 500 à 5 000 m2 aménagées sur la zone de l’Etoile à des artisans, TPE et PME. C’est déjà un beau résultat.

Par ailleurs, Enercon et Véolia ont récemment décidé d’investir dans des bâtiments existant sur le même site. Enfin, nous sommes en pleine discussion pour faire aboutir un second projet avec 40 autres créations d’emplois à la clé.

Et vous arrivez à ce résultat en ne bénéficiant pas des avantages du Bassin d’Emploi à Redynamiser…

C’est exact, notre territoire n’a pas été éligible à ce dispositif qui permet d’attirer les entreprises grâce à ces avantages fiscaux et sociaux. Je ne parlerai pas de concurrence déloyale mais il faut tout de même qu’on se batte plus que nos collègues d’autres communautés de communes. Mais on sait aussi faire valoir nos arguments et nos atouts et saisir les opportunités qui se présentent à nous.