Mathieu LotzAgriculteur au coin de la rue

Mathieu Lotz

Ingénieur de formation, Mathieu Lotz a accompli un virage radical vers l'agriculture qui a pu surprendre dans son entourage familial ou amical, mais ce projet porté par une conviction profonde et les bons retours des clients, confirment la pertinence d'un choix assumé à 100%.

Ingénieur de formation, il aurait pu suivre une voie prestigieuse et confortable. Il a fait un autre choix et est devenu exploitant agricole sur des cultures maraîchères avec une particularité : sa structure est en plein Dijon.

Les occupants d’une barre d’immeuble de la rue des Valendons à Dijon avaient déjà la chance, lorsqu’ils mettaient le nez à leur balcon, d’avoir dans leur champ de vision, les fleurs du service des espaces verts municipaux. Mais depuis un an et demi, il y a maintenant des tomates, des salades ou des courgettes qui poussent là. Et ces mêmes habitants doivent, de temps en temps, apercevoir la longue silhouette de Mathieu Lotz, qui circule et œuvre au milieu de ses productions. On est en ville, et pourtant, c’est bien un agriculteur qui travaille au quotidien ici. Notre homme fait de la production maraîchère sur 3.000 mètres carrés installés au milieu des parcelles et des serres des espaces verts de la ville. Alors que l’agriculture urbaine est devenue un concept dans l’air du temps, lui a décidé d’emprunter une voie singulière et à laquelle il n’était pas destiné, a priori. Car Mathieu Lotz, né dans le nord de l’Alsace, à Haguenau, précisément, a une formation d’ingénieur. Pendant huit ans, il a exercé cette fonction dans l’industrie ou la logistique, au sein de grands groupes français et internationaux. « J’étais dans la production de biens de consommation, explique-t-il, mais, il y a trois ans, j’ai ressenti le besoin de donner plus de sens à ce que je faisais. J’ai eu envie de m’impliquer dans la production alimentaire ».

RARETÉ DU FONCIER

N’étant pas lui-même issu d’un milieu paysan, il a dû accompagner ce désir de changement d’une formation adéquate. Mathieu Lotz a donc préparé un Brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole (BPREA) au lycée agricole de Quetigny, en partenariat avec la Chambre d’agriculture. « En parallèle, je cherchais un terrain où je pouvais m’installer, poursuit-il. Cet aspect-là s’est révélé très compliqué, même lorsqu’on recherche des petites surfaces pour du maraîchage». Pendant une année, également, il a peaufiné sa formation sur un plan pratique en travaillant chez un maraîcher de la région. Face à la difficulté de trouver du terrain, il tente des pistes moins traditionnelles et frappe à la porte de la ville de Dijon afin de se renseigner sur un éventuel foncier disponible.

On lui propose alors le terrain qu’il occupe aujourd’hui, ainsi qu’une serre de 300 mètres carrés qui lui permet de cultiver des jeunes pousses. Son projet rencontrait les préoccupations développées depuis quelques années par la ville de Dijon, désireuse de permettre à une agriculture de proximité, urbaine ou péri-urbaine, de reprendre toute sa place. « On a pu avancer sur ce projet et cela a débouché sur mon installation, en janvier 2018 ». Les jeunes pousses que cultive Mathieu Lotz sous serre, appréciées des restaurateurs pour leur aptitude à concentrer les saveurs et les nutriments, ont aussi l’avantage d’être disponibles toutes l’année. C’est un bon complément à la production classique de légumes (le jeune maraîcher est en voie d’obtenir la certification « agriculture biologique » en mars prochain).

« Je ne travaille pas, précise-t-il, comme un maraîcher qui serait en vente directe et qui doit produire une gamme très large de légumes. Sur l’année, je travaille une dizaine d’espèces différentes (tomates, poivrons, piments, aubergines, pastèques, concombres, salades, betteraves, épinards…) mais sur lesquelles je fais des quantités assez importantes, avec des variétés qui sortent de l’ordinaire, pour me différencier ». Les débuts ont donné lieu à quelques tâtonnements. La terre qu’il travaille est sans doute plus adaptée à la vigne qu’aux légumes, il lui a donc fallu s’adapter, mettre en place des modes de culture qui permettent à la terre de préserver de bonnes capacités de drainage (ce qu’on nomme parfois le ressuyage), et qui soient aussi en conformité avec sa vision des choses : un travail minimal de la terre pour y préserver la biodiversité, et passer rapidement d’une culture à l’autre. « Plus on travaille la terre, explique-t-il, moins on a de vers de terre. Quand j’ai commencé mon activité, il n’y en avait quasiment pas, aujourd’hui, ils sont de retour. Il y a de la vie qui se réinstalle et j’apporte là-dessus pas mal de compost. Incontestablement, la qualité de la terre sur laquelle je suis s’est améliorée ».

Par ailleurs, Mathieu Lotz a dû se constituer une clientèle. Il est allé frapper aux portes des restaurateurs, des épiceries. Il commercialise aussi un peu en direct, en étant présent sur le marché dominical de la place des Cordeliers. « J’ai quatre épiceries désireuses de travailler avec des produits frais locaux que je fournis régulièrement. Je les livre deux fois par semaine. Ces clients viennent parfois ici pour qu’on regarde ensemble ce qui peut les intéresser. Cette proximité, c’est aussi un aspect de mon activité qui me plaît beaucoup. Le fait que ma ferme soit ouverte, c’est un gage de transparence pour les consommateurs… »

ALÉAS CLIMATIQUES

Travailler en milieu urbain, pour un maraîcher, impose de faire avec des contraintes, notamment celle du foncier disponible, mais apporte aussi des avantages, au premier rang desquels figure le bassin de consommateurs. « De plus, pour moi, confie- t-il, m’installer au sein d’une structure déjà existante a été un vrai levier. J’ai beaucoup d’échanges avec le personnel des espaces verts de la ville. Autant d’interactions qui m’auraient sûrement manquées si j’étais seul dans une ferme isolée ». Gel tardif du printemps, manque d’eau, deux périodes caniculaires en un mois… 2019 n’est pas une année facile pour le jeune maraîcher qui demeure néanmoins philosophe, conscient qu’il a choisi un métier où les aléas climatiques font partie des règles. Par ailleurs, pour son développement futur, Mathieu Lotz songe à investir d’autres terrains mais aussi des caves qui lui permettraient de cultiver des champignons ou des endives. « Ces cultures sont relativement adaptées au milieu urbain : elles ne réclament pas trop de place. Il y aurait beaucoup d’endroits à exploiter» souligne-t-il. L’agriculture urbaine, il y croit, mais à condition de prendre en compte la rentabilité des choses, ce qui implique, à ses yeux, d’adopter des solutions techniques relativement simples. Faute de quoi, on risque de confiner ce concept dans la catégorie des gadgets séduisants sur un plan sociétal, mais au final, peu porteur de solutions. «Pour moi, il faut d’abord démontrer qu’on est économiquement viable…»

Parcours

1983 Naissance le 19 février à Haguenau (Bas-Rhin)
2015 Il vient s'installer à Dijon.
2018 Création de son exploitation maraîchère.
2020 En mars, il va obtenir le certificat «Agriculture biologique ».