Matias EstañoAffineur de projets

Cofondateur et CEO du Starter, dispositif de pré-incubation, il accompagne les porteurs de projets vers la structuration de leur entreprise.

Dans l’entreprenariat, il y a ceux qui ont des idées et ceux qui aident à faire grandir ces projets. Matias Estaño, cofondateur et CEO du Starter fait grandir ces projets. Serial entrepreneur, il se consacre désormais à l’accompagnement de ceux qui, face aux vagues impétueuses qui se dressent devant la concrétisation d’une idée, cherchent la main tendue qui leur permettra de fendre les flots et de mettre le cap sur leurs aspirations. Avec son expérience comme boussole, il est désormais entièrement voué à nourrir ces idées, les confronter, les challenger. Son parcours, c’est dans la presse que Matias Estaño l’a commencé, dans sa Normandie natale. Un premier emploi « tout en bas de l’échelle », confie-t-il, lui qui était alors chargé de la distribution d’un journal culturel gratuit. Au fur et à mesure, il va gravir les échelons. « Je suis passé distributeur chroniqueur, puis distributeur journaliste puis journaliste chroniqueur à temps plein et enfin journaliste commercial ». Une ascension qui lui permettra de développer de solides compétences dans le domaine de la culture et lui offrira l’occasion, en 2010, de s’envoler vers le Canada pour devenir community manager d’un label de musique et, en parallèle, de monter déjà deux entreprises au Québec.

Lorsqu’il rentre en France, un an plus tard, il lance sa troisième entreprise. Un projet, né d’une opportunité législative. « Le 28 février 2011, on ne pouvait pas vendre de pub sur les radios associatives, et le lendemain, on pouvait en vendre jusqu’à 20 % du budget de fonctionnement des radios », explique-t-il. Très vite, il va s’organiser pour créer la Gonzo Compagnie, première régie publicitaire de Normandie, et partir à la conquête de ce nouveau marché. « Il y avait 27 radios associatives sur le territoire normand, pour un budget total cumulé de 4 M €. Un marché de 800 K € s’ouvrait du jour au lendemain ». Un franc succès puisque, trois ans après sa création, l’entreprise dégageait déjà plus de 500 K € de chiffre d’affaires. Le projet désormais pérenne, il décide alors de passer la main et change de vie en s’installant à Toulouse.

Venu au départ dans la Ville rose pour compléter un master 2 en administration et gestion de la communication, il va, au détour de l’envoi d’un CV, faire la connaissance de celui avec qui il va fonder le Starter. « J’avais postulé pour un emploi dans l’événementiel à la Cantine, l’espace de coworking de l’association La Mêlée. Mon CV a été intercepté par Denis Tordo, le coordinateur de l’espace de travail. Il était alors en train de tester une offre qui mélangeait les attentes des coworkers, qui souvent cherchent à se structurer, les start-up déjà établies qui sont force d’expertise et l’événementiel qui draine tous les responsables innovation, économie numérique, etc. » Ce projet, en quelque sorte embryon du programme de pré-incubation, va s’accélérer avec l’arrivée de Matias Estaño. Nous sommes en janvier 2015 et le Starter est né.

Depuis, le pré-incubateur gère entre 15 et 20 projets par an. L’accompagnement, s’il porte bien évidemment sur des aspects économiques ou juridiques, avec la structuration de l’entreprise, la définition d’un business model, etc., c’est aussi une aventure humaine. « Le cycle de vie d’un entrepreneur, c’est l’alternance de très hauts et de très bas », commente-t-il. À côté de son rôle de référent en structuration, il se doit donc de rester à l’écoute pour dissiper les doutes et les craintes des porteurs de projets. « Au fur et à mesure avec l’expérience, les hauts deviennent de moins en moins hauts et les bas de moins en moins bas. Ils arrivent à maintenir un fil régulier où ils deviennent vraiment chefs d’entreprise ».
Au-delà d’un simple suivi, c’est une ambiance de travail conviviale que Matias Estaño veut mettre en place pour rassurer et accompagner au mieux les jeunes start-up. « Je refuse de me mettre dans une position de personne inaccessible, hors-sol qui fait peur. » détaille-t-il.
Souvent, c’est autour d’un café qu’il reçoit les néo-entrepreneurs ou ceux qui ont simplement envie de parler de leurs idées. Une boisson, devenue sa marque de fabrique. « Déjà parce que j’adore le café, explique-t-il, le sourire aux lèvres, mais surtout parce que cela favorise les rencontres à échelle humaine ».

Cette flamme pour l’échange, même après 800 entretiens depuis le lancement du Starter, reste intacte chez Matias Estaño. Peut-être parce que ces rencontres nourrissent sa curiosité, le passé de journaliste refaisant surface. Mais surtout parce que c’est une formidable opportunité pour faire grandir les projets et les faire passer du stade d’idée à celui d’entreprise viable. Selon lui, « un porteur de projet doit tout le temps en parler, à tout type de personnes, même s’il est fatigué, malade ou qu’il n’a juste pas envie ». Pour autant, échanger sur ses idées n’est parfois pas évident, souvent par peur que l’idée soit reprise par un autre. Un doute qu’il s’efforce de dissiper rapidement. « Quand on a une idée, il y a de fortes chances que quinze autres personnes dans le monde aient déjà eu la même. Si elle n’est pas partagée, confrontée au point de vue d’autres personnes, il y a des risques qu’elle meure toute seule dans son coin ».

Interactions et confrontations sont ses leitmotivs pour permettre aux porteurs de projets d’avancer. C’est surtout une fabuleuse occasion de nouer des liens forts et faire naître de belles histoires. Lorsqu’il présente d’anciens projets qu’il a accompagnés et qui aujourd’hui ont du succès, il en parle comme lorsque l’on se remémore, avec de vieux copains, ces aventures de jeunesses qui nous ont forgés. Des histoires, chacune singulière, qui lui ont permis aujourd’hui de disposer « d’un réseau complètement fou », avoue-t-il. Un carnet d’adresses qu’il conseille d’ailleurs souvent aux porteurs de projets d’entretenir soigneusement, puisque pour lui « quand, on entreprend, le réseau c’est la clé ». Alors, quand il apprend que d’anciens pensionnaires du Starter, qui se sont développés et qui ont interagi avec les autres membres du programme de pré-incubation et collaborent désormais ensemble ou même se recrutent entre eux, le sentiment d’accomplissement est fort et cela lui donne l’impression « de faire partie d’un tout très important ».

Ce réseau, il l’entretient d’ailleurs à l’extérieur du Starter qui, comme il le confie, lui « prend environ les quatre cinquièmes du temps ». Le reste, il continue à le consacrer aux porteurs de projets et aux développements d’idées. D’abord, sur les ondes de Campus FM avec son émission Ça marchera jamais. « L’objectif de l’émission est de désacraliser un petit peu le monde de l’entreprenariat, montrer que ce n’est pas l’idée reçue d’une bande de macronistes qui parlent avec des anglicismes ». Ailleurs que sur la bande FM, il est aussi responsable des grands projets au Digital Campus. Il enseigne aux étudiants les bases de l’entreprenariat et note que « de plus en plus, après leur formation, ils me recontactent, mais cette fois-ci pour lancer véritablement leurs projets ». Une véritable source de satisfaction pour Matias Estaño.

Accompagner, expliquer et transmettre, sont l’essence même de son activité au plus près des entrepreneurs. Mais, à voir autant de projets passer et réussir, cela ne nourrirait-il pas chez lui aussi une envie de réentreprendre ? « Non pas vraiment, confie-t-il. Disons qu’en tant qu’entrepreneur, j’ai plutôt un profil pragmatique. Je me relancerai si j’ai une opportunité de marché comme j’ai pu le faire avec la Gonzo Compagnie. » Mais comme diraient certains, les occasions ne s’attendent pas, elles se créent et Matias Estaño a déjà quelques petites pistes de réflexion. « J’ai deux idées d’entreprise. Mais à côté, je me verrais bien aussi cinéaste ou créer une société dans le cinéma. Je le fais déjà avec un ami. J’adore écrire, jouer, réaliser et si je voulais changer radicalement de vie demain, je pense que je me lancerais à fond là-dedans ». Pour l’instant, même après cinq ans au contact des autres, il continue d’apprécier « cet environnement hors norme, ce cadre effervescent », qu’il cultive au Starter. « Je me vois bien continuer, à part peut-être si un de mes scénarios est accepté par Netflix », conclut-il. Une phrase, prononcée sur le ton de la demi-blague mais, à force d’en parler, qui sait dans quelle oreille elle pourrait un jour tomber.

Parcours

1986 Naissance au Havre
2006 Titulaire d’un BTS en communication, il intègre les équipes du Bazart Agenda & Magazine en tant que distributeur. Il montera les échelons jusqu’à devenir journaliste commercial
2010 Devient community manager d’un label de musique au Québec. Monte deux entreprises en parallèle
2011 Revient en France fonder la Gonzo Compagnie, première régie publicitaire des radios associatives de Normandie
2014 Arrive à Toulouse pour décrocher un master 2 en administration et gestion de la communication
2015 Cofonde Le Starter avec Denis Tordo, coordinateur de l’espace de coworking La cantine