Activité partielle: l’accord Syntec décrypté

Par Daniel Mingaud, avocat à la Cour, spécialiste en droit du travail

Pour ne pas ajouter à la crise sanitaire une crise sociale, et éviter des licenciements massifs, le gouvernement a mis en place, le 17 juin dernier (loi n° 2020-734) un dispositif spécifique d’activité partielle destiné à soutenir les entreprises en difficulté de manière durable.

Le décret n° 2020-1 188 du 29 septembre 2020, publié au Journal Officiel du 30 septembre 2020 et entré en vigueur le 1er octobre 2020, vient d’en modifier les contours.

En synthèse, sous réserve d’un accord collectif (d’entreprise, d’établissement ou de branche), il permet désormais de réduire, jusqu’à 40 % de la durée légale, le temps de travail des salariés. Le salarié perçoit alors 84 % de son salaire net (70 % de son brut) pendant les heures chômées (jusqu’à 4,5 Smic). La partie non travaillée est prise en charge par l’État à hauteur de 60 %.

Visant les entreprises dont la baisse d’activité conduit à une réduction d’horaires atteignant jusqu’à 40 % de la durée légale (50 % pour certaines exceptions appréciées par l’administration), l’APLD peut être accordée pour une durée de 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de 36 mois consécutifs.

Dans certaines branches particulièrement touchées par la crise sanitaire, les partenaires sociaux n’ont pas attendu la publication de ce décret.

Ainsi, la branche Syntec (applicable aux salariés des bureaux d’études techniques et cabinets d’ingénieurs-conseils), victime collatérale du ralentissement de l’activité aéronautique dans la région toulousaine, a conclu un accord sur l’activité partielle longue durée le 10 septembre 2020. Cet accord est désormais applicable à l’ensemble de branche professionnelle, à la suite de l’arrêté d’extension du 2 octobre publié le lendemain au Journal Officiel.

Le texte prévoit une indemnisation plus favorable que le taux légal pour les salariés en activité partielle ainsi qu’un abondement de leur compte personnel de formation.

NEUF DISPOSITIONS CLÉS SCELLENT CET ACCORD :

1/Rédaction d’un document d’application

Le dispositif n’est applicable qu’à la condition d’établir un document d’application de l’accord.

C’est pourquoi l’accord du 10 septembre comporte en annexe une trame type de document unilatéral pour faciliter la tâche des employeurs.

2/Durée limitée

Le bénéfice du dispositif d’activité réduite est accordé aux entreprises dans la limite de 24 mois, consécutifs ou non, ce, jusqu’au 31 décembre 2022.

3/Salariés concernés

La mise en œuvre du dispositif d’activité réduite vise tous les salariés, quelle que soit la nature de leur contrat de travail (CDI, CDD, contrat d’apprentissage, contrat de professionnalisation). Attention : l’employeur est tenu d’informer individuellement et par écrit les salariés de leur entrée dans le dispositif au moins trois jours francs avant sa prise d’effet.

4/Instauration d’une réduction maximale de l’horaire de travail en deçà de la durée légale

La réduction maximale de l’horaire de travail pour chaque salarié ne peut être supérieure à 40 % de la durée légale du travail (voire 50 % à titre exceptionnel et sous réserve d’une décision de l’Administration).

5/Indemnisation des salariés

5.1 Le salarié placé en activité réduite perçoit une indemnité horaire versée par l’employeur, fixée comme suit en pourcentage de la rémunération brute servant d’assiette à son indemnité de congés payés.

Rémunération totale brute mensuelle < 2 100 €

⇒ Indemnisation garantie 98%

Rémunération totale brute mensuelle ≥ 2 100 € et < plafond de la SS

⇒ Indemnisation garantie 80%

Rémunération totale brute mensuelle ≥ plafond de la SS ⇒ Indemnisation garantie 75 % (pour le calcul de l’indemnité des salariés en forfait annuel en heures ou en jours, une demi-journée non travaillée correspond à 3 h 30 non travaillées, un jour à sept heures non travaillées et une semaine à 35 heures non travaillées).

5.2 L’indemnité est plafonnée à 4,5 Smic (soit 6 927 € par mois).

6/Engagements en matière d’emploi

Dès lors que l’activité partielle spécifique est mise en œuvre, tout plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est interdit pendant toute la durée du dispositif.

7/Efforts proportionnés des dirigeants

Aucune augmentation ne peut être appliquée aux rémunérations fixes des dirigeants salariés (ayant le statut de mandataires sociaux) pendant les périodes de mise en œuvre du dispositif d’activité partielle.

8/Abondement du compte personnel de formation (CPF) La branche s’engage à former les salariés placés en activité partielle.

Ainsi, si les droits du salarié sur son CPF sont insuffisants (pour suivre la formation souhaitée), une dotation supplémentaire (sur son CPF) ou un abondement via les fonds (mutualisés) de la branche professionnelle ou ceux (disponibles) de l’entreprise pourra être apporté(e).

9/Le suivi par les IRP

L’employeur devra fournir au minimum tous les deux mois au CSE les informations suivantes :

• le nombre de salariés concernés par le dispositif ;

• l’âge, le sexe et la nature des contrats de travail (CDI, CDD…) des salariés visés ;

• le nombre mensuel d’heures chômées ;

• les activités concernées ;

• le nombre de salariés ayant bénéficié d’un accompagnement en formation professionnelle ;

• les perspectives de reprise de l’activité.

Les bénéfices de cet accord sont applicables jusqu’en décembre 2022. Gageons néanmoins que, d’ici là, un vaccin et un certain « retour à la normale » puissent (enfin) être trouvés.