Depuis le 1er janvier dernier, un décret du 29 octobre 2018 est venu réformer le contentieux de la sécurité sociale.
Depuis le 23 avril 2019, un nouveau décret qui entrera en vigueur le 1er décembre 2019 modifie à son tour la procédure d’instruction des accidents du travail et des maladies professionnelles. Nous proposons ici un rapide tour d’horizon des dispositions les plus intéressantes du premier décret et publierons un nouvel article avant l’entrée en vigueur du second.
LES DÉCISIONS DES CPAM DOIVENT ÊTRE MIEUX MOTIVÉES
Un nouvel article du code de la sécurité sociale (R 142-1-A) prévoit désormais que : la motivation des décisions prises par les autorités administratives et les organismes de sécurité sociale (…) [est] régi[e] par les dispositions du code des relations du public avec l’administration (CRPA).
En pratique, qu’est-ce que cela change ?
Il faut ici rappeler que l’employeur peut contester une décision de la CPAM dans un délai de deux mois. À cet égard, il est clair que de nombreux employeurs sont très peu conscients de la portée financière des décisions des CPAM, « perfusés » qu’ils sont par l’URSSAF qui recouvre les cotisations ATMP sur la base du taux de cotisations déterminé par la CARSAT, lequel taux peut augmenter subrepticement pendant plusieurs années en raison, parfois, d’un seul sinistre.
Parfois, contester avec succès une décision de prise en charge ou le taux d’incapacité d’un salarié permettra à l’employeur d’économiser plusieurs dizaines ou même plusieurs centaines de milliers d’euros ! Le délai de contestation de deux mois est bref mais il est admis par les Tribunaux qu’en présence d’une décision non suffisamment motivée, ce délai n’est pas opposable à l’employeur. Par conséquent, en présence d’un sinistre coûteux résultant d’une prise en charge non motivée, il serait techniquement possible de le contester sans limitation de durée.
Or il apparaît que les décisions de prise en charge des Accidents de Travail résultent encore aujourd’hui de lettre types, donc tout le contraire de ce que l’on peut considérer comme « motivées ».
Bonnes pratiques à mettre en œuvre :
-Contrôler ou faire contrôler par son conseil le compte employeur courant sur Net-Entreprises régulièrement pour engager les recours dans les délais les plus sécurisés.
-Faire vérifier par un avocat spécialisé la recevabilité d’un recours sur un ancien sinistre impactant le taux de cotisation AT au vu de la motivation de sa notification.
Bon à savoir :
Les recours engagés par l’employeur n’ont aucun impact sur le salarié concerné, qui conserve le bénéfice des décisions de la CPAM.
LE DÉCRET A CRÉÉ LA « COMMISSION MÉDICALE DE RECOURS AMIABLE » (CMRA)
À quoi sert cette commission ?
Quand un salarié a été victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, il peut conserver des séquelles. Celles-ci donnent lieu à fixation d’un taux d’Incapacité Permanente (IP) par la « CPAM risques professionnels ».
Au-delà de 10 %, ce taux d’IP coûte très cher aux entreprises qui cotisent en tarification mixte ou individuelle (une entreprise de moins de 20 salariés n’est pas impactée directement). Comme l’employeur est le payeur final, il dispose du droit de contrôler et contester le taux d’incapacité du salarié (sans aucun impact pour celui-ci encore une fois).
La CMRA est désormais la commission compétente pour examiner cette contestation.
Quelle est la procédure ?
Une procédure spécifique est prévue par les textes pour saisir la CMRA dans le respect du secret médical. Sans réponse dans le délai de 4 mois, l’employeur est en droit de considérer être en présence d’une décision de rejet implicite et peut engager un recours contentieux.
Pour la région Grand Est, la CMRA siège à Strasbourg.
Quel est l’intérêt de contester le taux d’IP (Incapacité Permanente) d’un salarié ?
En obtenant une baisse de seuil du taux d’incapacité permanente du salarié, l’employeur peut faire une importante économie de cotisations pour l’avenir ou se faire rembourser des cotisations trop payées.
LES TGI SE DOTENT DE PÔLES SOCIAUX POUR JUGER LES CONTENTIEUX
Désormais, les contentieux des AT-MP sont tous traités devant une seule et même juridiction : le pôle social du Tribunal de Grande Instance. Ce tribunal remplace l’ancien Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale et l’ancien Tribunal du Contentieux de l’Incapacité.
Le TGI pôle social peut être saisi de demandes beaucoup plus variées que ce que les employeurs imaginent souvent en matière d’accident du travail ou de maladie professionnelles. Confier la défense de l’entreprise à un avocat spécialisé dans ce genre d’affaires est, certes, un prérequis, tant la matière est technique. Mais engager un contentieux n’est pas la panacée… On obtient de bien meilleurs résultats lorsque des collaborateurs de l’entreprise ont été formés à gérer les relations avec la CPAM dès la survenance du sinistre, avec appui d’un véritable conseil.
C’est ainsi, par exemple, qu’une mention maladroite dans une déclaration d’accident de travail peut exposer la société à une prise en charge « indue » voire à un contentieux en faute inexcusable…
Quant à l’externalisation de cet accompagnement à des « consultants » externes, il montre bien souvent ses limites en raison tant du conflit d’intérêt que fait naître leur mode de rémunération au seul résultat (quel intérêt le consultant a-t-il à aider à obtenir un refus de prise en charge ?) qu’à l’absence d’anticipation d’ « effets collatéraux ».
Tel est le cas en particulier lorsque le salarié sera déclaré inapte par le médecin du travail consécutivement à l’accident dont il a été victime. Dans cette hypothèse, se posera alors parfois la question de l’origine professionnelle de l’inaptitude, avec des enjeux financiers importants. C’est alors le Conseil de prud’hommes qui sera compétent pour statuer sur ces litiges.
Bonnes pratiques :
Former un ou plusieurs collaborateurs en interne, afin d’acquérir les réflexes permettant d’obtenir un refus de prise en charge du sinistre à titre professionnel et préparer en amont les recours devant le TGI pôle social, se prémunir d’actions indemnitaires diverses.
Suite à venir : La réforme des procédures d’instruction des AT-MP par les CPAM.
Par William IVERNEL, Avocat associé, droit du travail et de la sécurité sociale Directeur du pôle national Accidents du travail – Maladies professionelles de Fidal william.ivernel@fidal.com