Vincent ThomasÀ l’université depuis 35 ans

En intégrant l’université de Bourgogne au commencement de ses études, Vincent Thomas était loin d’imaginer qu’il ferait carrière sur le campus dijonnais et encore moins qu’il prendrait un jour la présidence de cette institution qui fêtera ses 300 ans l’année prochaine.

Trois décennies après avoir rejoint pour la première fois les bancs de la faculté de droit, avant d’embrasser une carrière dans l’enseignement et la recherche, il vient de terminer sa première année à la présidence de l’université de Bourgogne.

L’université de Bourgogne, Vincent Thomas la connaît bien.

D’abord étudiant puis professeur, il en a pris la présidence il y a tout juste un an. Au détour d’une promenade entre la Maison de l’université et la bibliothèque universitaire Droit-Lettres, il s’est souvenu des 35 années passées sur le campus dijonnais.

Comme Denis Diderot, notre universitaire est né à Langres. Après avoir passé son enfance et son adolescence à Chaumont, où il a obtenu son baccalauréat au lycée Bouchardon, il a quitté sa Haute-Marne natale pour venir faire son droit à Dijon. « La ville de Dijon avait déjà bonne réputation à l’époque, une ville agréable à vivre, avec un bon niveau d’études… L’université de Bourgogne avait également déjà bonne cote, tout comme la faculté de droit. C’est donc très naturellement que j’ai atterri ici, pour des raisons de proximité », confie Vincent Thomas. Curieux par nature et cartésien de surcroît, le jeune bachelier choisit alors le droit « un peu par défaut ». « Je crois, finalement, que c’est le goût de la politique, des faits sociaux, de l’actualité et de la manière dont les pouvoirs législatif et exécutif répondent, par la loi et le règlement, aux aspirations sociales. Certains font de la sociologie, d’autres préfèreront la philosophie, moi c’est l’étude de la norme et du droit comme instrument au service de la collectivité et de la société qui m’a rapidement intéressé », développe-t-il. S’il avoue aujourd’hui sans complexe qu’il ne savait absolument pas ce qu’il allait bien pouvoir devenir à l’issue de sa première année de droit, il confie toutefois avoir été rassuré par le discours de certains de ses professeurs à l’image du professeur Tricot : « Il était déjà très bienveillant avec ses étudiants. Il nous a un jour confié que “le droit mène à tout à condition d’en sortir”. À ce moment-là, je me suis dit que si je poursuivais mes études de droit et que je venais à me rendre compte par la suite que je ne voulais pas en faire mon métier, je pourrais toujours faire quelque chose d’autre. » Dès la deuxième année de droit, Vincent Thomas obtient un stage chez un avocat haut-marnais. « Grâce à lui, j’ai compris ce qu’était le droit en tant qu’instrument, que ce soit dans le procès, la négociation contractuelle ou pour régler des conflits. Cela a vraiment été l’ouverture sur la compréhension du droit et ça m’a davantage motivé pour continuer. » Après sa licence, il s’est ensuite orienté sur un DEA (aujourd’hui l’équivalent d’un master recherche) avant de solliciter le professeur Martin-Serf pour réaliser une thèse en droit des sociétés sur « le représentant de société ». « À partir de là, je me suis peu à peu spécialisé en droit des affaires et des sociétés, observe-t-il. Je suis un enfant des années 1980, où l’économie était reine… et puisque je ne suis pas économiste, j’ai toujours été intrigué par la théorie économique et par sa traduction en droit. Mais il y a aussi le fait qu’au tout départ, ce qui m’intéressait dans la politique, c’était en réalité la relation de pouvoir. J’ai ainsi abordé le droit des sociétés sous l’angle de la relation de pouvoir, qu’il émane des actionnaires ou plus largement des dirigeants. Pour moi, le droit des affaires est une matière qui permet d’étudier la relation de pouvoir entre acteurs privés, contrairement au droit public ».

L’ENSEIGNEMENT, UNE AFFAIRE DE FAMILLE

À l’issue de sa thèse, Vincent Thomas a été directement recruté par l’université de Bourgogne pour enseigner en tant que maître de conférence à Dijon, avant de devenir plus tard professeur. « Une fois que j’ai été formé au droit, la question de l’avenir professionnel s’est posée. J’aurais pu être praticien, mais j’ai finalement choisi, peut-être par atavisme, l’enseignement, concède-t-il. Mon père était professeur dans le secondaire et mes deux frères travaillent aussi dans l’éducation. Je pense qu’il y a toujours eu, dans ma famille au sens large, cette volonté de transmettre, de faire passer ce que nous savions avec beaucoup d’humilité ». S’il se décrit aujourd’hui comme « bienveillant mais sans complaisance », Vincent Thomas admet tout de même avoir été, à ses débuts, plus exigeant. « C’est un magnifique métier que d’enseigner et de transmettre, mais c’est aussi une grosse responsabilité parce qu’on sait que les jeunes sont très attentifs au regard qu’on pose sur eux. »

Après avoir un temps dirigé l’Institut d’études judiciaires (IEJ) qui forme au barreau et aux concours de la magistrature, il a été vice-doyen en charge des licences droit et Administration économique et sociale (AES), avant d’être élu doyen de la faculté de droit. « Entre-temps, on m’a confié la responsabilité pédagogique et la direction du master juriste d’affaires commerce-distribution-consommation. Cette mission m’a beaucoup fait évoluer et m’a rapproché du monde économique et du monde de l’entreprise. J’ai toujours travaillé depuis l’âge de 16 ans, multipliant les jobs étudiants, de la maçonnerie à la métallurgie, en passant par le service… j’avais jusqu’alors une vision de l’entreprise qui était celle du salarié “lambda” qui subissait beaucoup de chose et n’avait pas beaucoup de poids. En ouvrant ce master à l’alternance, j’ai réussi à placer quelques étudiants dans des services juridiques importants, de Carrefour à Seb, ou encore Groupama et Dessange international. J’ai rencontré essentiellement des juristes mais avec des cultures d’entreprises et ça m’a ouvert les yeux », souligne Vincent Thomas.

UN PRÉSIDENT EN PLEINE CRISE

Six ans après son élection de doyen de la faculté de droit, Vincent Thomas est finalement élu président de l’université de Bourgogne le 9 mars 2020. « Quelques jours seulement avant le premier confinement, se souvient-il. C’est simple, le lendemain de mon élection, il y a eu passation de pouvoir avec Alain Bonnin et deux jours après, l’après-midi, le conseil d’administration élisait tous les vice-présidents délégués. Le soir-même, Emmanuel Macron prenait la parole et annonçait, entre autres mesures, la fermeture des universités. J’étais abasourdi. Nous avons passé une partie de la soirée au téléphone et dès le lendemain, nous étions tous là à partir de 7h30 pour mettre en place un plan d’action. Ça a été ma première vraie journée de gouvernance. À 13 heures, je rencontrais tous les doyens et à 15 heures, toutes les organisations syndicales, les représentants des étudiants élus et les représentants de l’opposition pour évoquer ce que nous allions faire ». Un an après et alors que la crise sanitaire est toujours d’actualité, l’université s’est quant à elle adaptée et organisée. « Pour moi, soit on subit, soit on essaie d’être acteur de notre environnement professionnel pour tenter de le faire évoluer. L’université de Bourgogne est un très beau navire que j’aime profondément. C’est une très belle mécanique qui réagit merveilleusement bien, avec une communauté et des personnels de grande qualité qui travaillent beaucoup et avec des étudiants globalement intéressés par leurs études et intéressants, dynamiques et très solidaires. La réactivité a été fantastique. Le collectif est très important pour une université. C’est aussi pour cela que nous avons une très belle université de Bourgogne », conclut-il.

Parcours

1968 Naissance, le 24 juin à Langres (Haute-Marne).
1999 Vincent Thomas devient enseignant-chercheur à l’université de Bourgogne.
2010 La faculté de droit lui confie la direction du master juriste d’affaires, qu’il ouvrira à l’alternance et en sera responsable pendant près de dix ans.
2014 Un temps vice-doyen de la faculté de droit, en charge des licences droit et AES, il est élu doyen.
2020 Vincent Thomas est élu président de l’université de Bourgogne, le 9 mars, pour un mandat de quatre ans.