Un bilan très mitigé pour en 2019 : baisse du fret et hausse des passagers. Vatry fête ses 20 ans avec plein de bonnes résolutions pour 2020.
Et la conviction de réussir enfin.
L’Aéroport de Paris Vatry fête ses 20 ans d’activité au mois de janvier. Cet outil territorial structurant, qui cherche encore sa voie, est porté par son propriétaire, le Conseil départemental de la Marne et ses partenaires financiers, la Région Grand Est et la Communauté d’Agglomération de Châlons-en-Champagne. Ses détracteurs se servent du chiffre fluctuant de son coût en argent public, aux alentours de 220 M€ et plus si affinités, investissement et fonctionnement compris. Christian Bruyen, le Président du Conseil départemental de la Marne et Président de l’Etablissement Public de Gestion de l’Aéroport de Vatry (EPGAV), enfin épaulé par une véritable équipe commerciale et un nouveau Directeur, expérimenté et polyvalent fret et passagers internationaux, a bien l’intention de mettre de l’ordre dans la maison.
Et comme un anniversaire est aussi, et surtout, une affaire de prospective, le Président de l’EPGAV annonce une compagnie européenne future cliente des installations de l’aéroport et une destination Marseille avec Ryanair. Vatry se donne quatre ans pour réussir.
UN AVENIR À QUATRE ANS POUR L’EPGAV
Lors de son Conseil d’Administration du 3 Juin 2019, l’Etablissement Public de Gestion de l’Aéroport de Vatry (EPGAV ), en place depuis 2016, accusait un cumul 2017-2018 de 338 000 € en déficit pour son résultat d’exploitation et votait un budget primitif 2019 à hauteur de 12,3 M€ pour le fonctionnement, budget en hausse de 18% sur un an. À cette occasion l’EPGAV constatait la pérennité des subventions de la Région (1 M€), de la Communauté d’agglomération de Châlons-en-Champagne (0,5 M€) et de celle du Conseil Départemental de 1,5 M€). Rappelons qu’a la reprise de la gestion en direct, le Conseil Départemental avait abondé les comptes de Vatry, à raison de 3 M€, à la section investissement.
C’est à l’occasion de son avant- dernière réunion que le Conseil d’Administration, alors composé de huit membres, a voté son extension à cinq nouveaux membres, représentant la Région Grand Est, la Communauté d’Agglomération de Châlons-en-Champagne, la Métropole Troyes Champagne, le Conseil départemental de l’Aube et le Grand Reims. Ces cinq collectivités ont depuis accepté de rentrer dans l’EPGAV.
Les subventions d’Etat portées par les trois collectivités, tolérées par la Commission Européenne en 2014 pour les aéroports de moins de 700 000 passagers, concernent 80% du déficit de 14,8 M€ des cinq dernières années (2009-2013) d’exploitation de Vatry. Cette aide est valable jusqu’en 2024 et d’ici à cette date, elle dépend également de ce que décideront les futures gouvernances des trois collectivités partenaires du Conseil départemental de la Marne : élections municipales de 2020, élections régionales et départementales de 2021.
Jean Rottner : « Vatry est un outil de développement durable pour l’aéroportuaire »
Jean Rottner, Président du Grand Est, le Grand Est est-il toujours partenaire de Vatry ?
« Le Conseil Régional maintient la subvention de 1 million d’euros en faveur de l’EPVAG. Je me suis engagé auprès du Président Christian Bruyen pour reconduire cette somme en 2020 et 2021, donc jusqu’à la fin du mandat en cours de notre majorité. Plus tard, nous nous reposerons la question ».
Où en êtes-vous dans la politique aéroportuaire du Grand Est ?
« Une étude est actuellement menée par un cabinet indépendant. Elle servira de réflexion à l’élaboration de notre politique aéroportuaire. Elle concerne les quatre aéroports principaux et les petits aérodromes, ainsi qu’une possible coopération transfrontalière. Cette étude devrait aboutir au printemps prochain ».
Avez-vous des pistes en attendant cette étude ?
« Dans ce domaine, d’autres sujets sont connexes, je pense à l’avenir de l’aérodrome lorrain de Chambley pour lequel nous travaillons sur un projet d’aérocampus. Par ailleurs, nous avons des appels du pied de la part de Bordeaux ou Toulouse qui semblent saturés au niveau de l’accueil d’entreprises. Dans cette perspective, Vatry est dans la même boucle que Chambley ».
Votre opinion sur Vatry ?
« Vatry, qui est un outil de développement durable incontestable, est un immense gâchis dans le contexte d’une région parisienne saturée. Au lieu de faire atterrir du fret à Liège et de l’acheminer vers Paris par la route, on ferait mieux de le faire arriver à Vatry. Nous continuons le forcing en faveur de Vatry, chaque fois que possible, auprès de l’Etat et nous ne désespérons pas d’aboutir un jour. Dans ce dossier je salue la capacité de fédérateur du Président Christian Bruyen qui a su amener à sa cause tous les décideurs et les politiques locaux, dont François Baroin, et je trouve cela très bien ».
Christian Bruyen : « Nous avons désormais tout pour réussir »
Christian Bruyen (président du Conseil départemental de la Marne), quel est le bilan 2019 pour Vatry ?
« 2019 n’est pas une bonne année pour l’activité de Vatry. L’activité fret va s’établir autour de 3 000 tonnes, contre 5 100 l’année dernière. Celle concernant les passagers atteindra les 85 000 voyages, contre 61 820 auparavant. Je ne me satisfais pas de cette progression du trafic passager. L’un des plus mauvais résultats du fret s’explique. Lorsque nous avons eu des bons résultats, ils émanaient d’une bonne conjoncture. La piètre année fret 2019 résulte de notre structure : nous n’avons pas la Supply Chain, outil incontournable d’une bonne logistique. Il nous faut imaginer un service complet de l’avion aux clients en passant par les transporteurs. Nous devons offrir aux compagnies en recherche d’aéroport des facilités en termes de chargeurs ou de transitaires ».
Et pour demain ?
« Nous n’avons pas fait ce qu’il fallait pour être sur le marché. Nous n’avons pas tout tenté. Nous avons négligé le e-commerce. Aujourd’hui, nous avons une véritable équipe commerciale. Nous savons qu’il faut du temps pour s’installer durablement dans le paysage du fret aérien international. L’expérience de Christophe Parois, Directeur Général depuis novembre, devrait nous aider à réussir.
2020 va être une année de transition avec une bonne nouvelle pour commencer puisqu’en début d’année nous allons accueillir la compagnie polonaise, fret et voyageurs, SprintAir qui va utiliser Vatry comme garage entre chaque rotation pour 3 de ses avions SAAB 340. Pas d’ouverture de ligne pour l’instant, mais des mouvements qui vont générer des services. Et qui sait pour l’avenir ? ».
Au-delà des actuelles subventions ?
« La Commission Européenne nous permet ces aides jusqu’en 2024, comme pour tous les petits aéroports. Cela nous laisse quatre ans, avec désormais une équipe au complet et motivée. Nous avons quelques échanges avec l’aéroport de Liège qui semble arriver à saturation de son activité. La voie d’Aéroport De Paris n’est pas fermée. Nous maintenons des contacts avec eux, avec les Pouvoirs publics, avec le Ministère des Transports. De plus, nous avons toutes les caractéristiques d’un aéroport vert en termes d’environnement, l’un des plus verts de France ».
Comment vont les affaires avec Iberia et Ryanair ?
« Rien n’est acquis. Nous discutons toujours et sur tout avec les deux compagnies. Il s’agit de business, chacun doit y trouver son compte et d’une manière pérenne. Si cela nous coûte sans nous rapporter, nous couperons les ponts. Ce qui est bien avec Iberia c’est que 40% de passagers au départ de Madrid viennent visiter la Champagne, ce qui est d’ailleurs le cas de Porto avec Ryanair, mais dans une moindre proportion. En 2020, on maintient Marrakech et Porto avec Ryan Air, et peut-être une destination Marseille, à la place de Fès ».
CHRISTOPHE PAROIS, NOUVEAU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’AÉROPORT PARIS VATRY
Master en Droit, Economie et Gestion, titulaire d’un Bachelor of Business Administration, licence européenne en logistique international, le nouveau Directeur Général de l’Aéroport de Paris Vatry possède à 53 ans une carrière de plus de trente années marquée par la double compétence de la gestion des passagers et du fret.
Ex Directeur Général de GH Team, Christophe Parois a fait toute sa carrière, de 1986 à aujourd’hui, dans les services aux transports aériens pour les compagnies et les aéroports, dans l’affrètement, l’organisation de transports, l’assistance aux escales ou l’entreposage. Il a exercé en qualité de responsable de service, de Directeur commercial et développement, de Directeur régional et Directeur Général, pour MAP Handling Freight, Servisair, Swissport, KLM, TNT et DHL Forwarding.
LES 20 ANS DE L’AÉROPORT DE PARIS VATRY
1956 : Ouverture d’une base aérienne de l’OTAN
1959 : Mise en sommeil de la base
1967 : Retrocédée par l’OTAN, la base va servir aux entraînements aériens de l’aviation militaire puis à la CCI de Châlons-en-Champagne organise des vols d’affaires
1992 : Naissance du projet de plateforme fret multimodal sur l’ancien site de l’OTAN, porté par le Conseil Général de la Marne
1997 : Début des travaux de l’Aéroport de Vatry (150 M€ de travaux)
2000 : Constitution de la SEVE, gestionnaire par DSP et premier vol commercial, le 21 janvier
2004 : Adjonction d’une aérogare de 3 900 m2 pour passagers
2010 : Arrivée de Ryanair, avec deux destinations saisonnières vers la Suède et la Norvège 2012 : Le Conseil Général de la Marne se retire de la SEVE
2013 : Le Conseil Général annonce la fin des subventions à Vatry
2016 : Liquidation de la SEVE et reprise de la gestion en direct par le Département, via un EPIC
2017 : La société Clicandfly ouvre une des dernières lignes éphémères Vatry-Nice
2019 : Démarrage de l’activité d’Iberia, vols sur Madrid
Construction d’un hangar de maintenance A 320 et A 321, opérationnel juin 2021.
Cinq ans après sa mise en service, l’activité fret atteint des niveaux intéressants, au-dessus de 37 000 tonnes sur les trois années 2005-2007, avant de plafonner à 40 455 tonnes en 2008. L’activité transport de marchandises tombe à 22400 tonnes en 2009, puis au-dessous des 10 000 tonnes de 2011 à 2016. Après un sursaut, 17 900 tonnes en 2017, l’activité connaît un plancher historique à 5 100 tonnes en 2018. Rappelons que les prévisions de trafic étaient de 150 000 tonnes à l’horizon 2010.
Inaugurée en 2004, l’activité transport de passagers devait pallier les carences de celle du fret. Entre 2005 et 2009, Vatry a vu atterrir ou embarquer une moyenne annuelle de 5 600 passagers. Une montée en puissance était enregistrée entre 2010, arrivée de Ryanair, et 2013, le trafic passant de 21 200 à 100 800 passagers, avec une moyenne de 65 000 passagers par an. Après un record en 2016 (134 945 passagers), l’affluence retombait à 108 850 en 2017 et 61 830 en 2018. Dans les cinq dernières années, la moyenne annuelle de passagers a dépassé les 97 000. En quatorze ans d’activité, l’aéroport de Paris-Vatry aura vu passer 774 900 passagers, soit une moyenne de 55 350 par an.