Gabrielle Leroy-MeirhaegheÀ la vigne comme aux champs

Pour Gabrielle Leroy-Meirhaeghe, les activités agricoles et viticoles se complètent. (Droits réservés)

La jeune Auboise, diplômée en administration des affaires, a repris les rênes de l’exploitation familiale.

«Je voulais faire tout sauf viticultrice » : à 25 ans, huit ans après être partie loin de chez elle, Gabrielle Leroy-Meirhaeghe est pourtant heureuse d’avoir repris l’exploitation familiale pour exercer le métier qu’elle a vraiment choisi. Car en 2014, avec un bagage en administration des affaires qui lui aurait permis de passer un MBA ou de travailler pour la Cour des Comptes européenne, elle a préféré poser ses valises à Montgueux.

« Le fait d’avoir voyagé m’a fait réaliser que l’on est bien chez soi. J’ai la chance de pouvoir profiter d’un beau terroir et d’avoir un métier intéressant ».

De son enfance, elle garde le souvenir d’un père lui faisant « participer à tout ». Partir pour être loin de tout était alors sa seule ambition. « Mes parents ont eu l’intelligence de me laisser partir au Québec pour suivre des études dans un domaine qui me plaisait. C’était en 2011, j’avais dix-sept ans », relate la jeune Auboise. Elle aura un vrai coup de cœur pour la ville de Québec et y restera quatre ans et demi. Elle fera aussi escale à Querétaro, au Mexique, en 2013 et à Vina del Mar, au Chili, en 2014.

RETOUR À MONTGUEUX, DANS L’AUBE

Licence en poche et avec sa demande pour entrer en MBA acceptée, elle revient dans sa famille en 2014. L’occasion de retrouver ses racines agricoles et viticoles. « J’ai commencé à travailler avec papa pour le dépanner… Dans le même temps j’ai été contactée par la Cour des Comptes européenne pour travailler en audit financier. C’était une belle proposition mais cela ne me faisait pas rêver », explique Gabrielle.

Elle refusera ce poste et ne poursuivra pas ses études non plus. « La viticulture est un métier magnifique, avec tous ces gens qui ont un savoir-faire particulier. Et le travail n’est pas monotone. Ça bouge tout le temps, on organise notre journée comme on veut. Dans une petite exploitation, il faut être polyvalent, s’occuper de l’administration, de la relation client, de la production, de la vigne, du champagne, de la cave, de l’entretien du matériel, de la gestion des commandes. Il faut se remettre en question sans arrêt, savoir s’adapter, changer de méthode. C’est notre entreprise, il faut toujours faire mieux et c’est ce qui est motivant », observe-t-elle.

Deux ans après son installation dans l’entreprise, c’est en 2017, qu’elle en prend la gérance totale, un an et demi avant que son père ne parte à la retraite. Et en 2019, elle vient de reprendre l’exploitation de son oncle. En plus des deux hectares de vignes et des caves, Gabrielle Leroy-Meirhaeghe s’occupe à présent de 250 hectares de grandes cultures céréalières. « Les activités agricoles et viticoles se complètent… Quand je suis rentrée, mon père avait 57 ans. Il m’a dit qu’il fallait que je sache tout faire avant son départ à la retraite pour ses 60 ans », se souvient la jeune chef d’entreprise.

De l’entretien du tracteur à la taille de la vigne, son père lui transmettra tout ce qu’il sait. Parallèlement, elle passera le CACES pour pouvoir conduire des engins de chantier, le certiphyto et le certificat de taille. « Je vais passer cette année le certificat de greffage, ajoute la dynamique Auboise. Pour être prise au sérieux, je dois savoir tout faire ». Pour le moment, Gabrielle travaille avec des saisonniers, mais elle « recherche un ouvrier agri-viti »

DÉVELOPPER LA VINIFICATION

Lorsqu’elle est revenue au domaine familial du village de la Grange-au-Rez, à Montgueux, son père vendait 2000 bouteilles de champagne. Elle a rapidement souhaité développer la vinification, avec un objectif de 14 000 à 15 000 bouteilles – qui sera atteint d’ici deux à trois ans -, soit une vinification d’un hectare et demi sur les deux hectares de vigne. « C’est un gros changement, car la tendance était de privilégier la vente au kilo de raisin ».

« Je trouvais dommage de ne pas profiter d’un bel outil. J’ai donc beaucoup travaillé sur l’accueil », fait remarquer la jeune femme. Elle a notamment fait restaurer dans les règles de l’art une très vieille longère, datant des années 1900, autrefois utilisée pour l’élevage, pour en faire une salle de réception, où est exposée la collection d’outils anciens de son père.

DÉMARCHE ENVIRONNEMENTALE

En termes de viticulture, l’investissement a porté sur du matériel dont un tracteur enjambeur et des outils de désherbage interceps : « Nous n’utilisons plus d’herbicides depuis 2007 et l’on voit réapparaître une certaine faune et flore. On a aussi ré-enherbé une partie des parcelles, réimplanté des rosiers, conservé le verger de la propriété. Nous avons arrêté les insecticides il y a cinq ans. C’est aussi pour nous-mêmes, qui travaillons au milieu de nos cultures, qu’il faut impérativement penser à l’environnement ». Et pour économiser l’eau potable, Gabrielle Leroy-Meirhaeghe ne manque pas de ressources. Elle récupère pas moins de 40 000 litres d’eau de pluie. « Nous avons également une ancienne réserve souterraine de pompiers, toute voûtée, avec des arches, que nous projetons de restaurer ».

En cave, comme les locaux n’étaient pas adaptés, il a fallu refaire l’isolation, la salle d’habillage, modifier les lumières, installer des palettes en inox pour éviter les contaminations avec les champignons. Le packaging et les étiquettes ont également été modifiés.

Au niveau de la communication, la jeune Auboise mise sur internet ainsi que sur des partenariats évènementiels. « Mon père est toujours là sans être un poids. Il me laisse libre de faire les choses et quand je le questionne sur mes choix, sa réponse est sensiblement la même : « Essaie, tu verras ».

Il faut dire qu’en ce qui le concerne, apprendre sur le terrain a également été de mise : « Quand il a commencé, il s’occupait de l’exploitation familiale après ses heures de travail à la SNCF ou, plus tard, chez Michelin en trois-huit. Il a investi petit à petit jusqu’à avoir une belle exploitation. Cela donne encore plus envie de continuer ».

Parcours

1993 Naissance le 26 septembre à Troyes.
2014 BBA à Quebec, Bachelor in Business Administration (licence en administration des affaires).
2017 Gérance totale de l'entreprise familiale Leroy-Meirhaeghe.
2019 Reprend l'exploitation de son oncle.