Le président de la chambre régionale de commerce a dressé un bilan 2018 et des perspectives 2019 peu encourageants.
En recevant la presse dans ses locaux de la CCI de région, le 22 janvier, pour présenter ses vœux, le président Alain Di Crescenzo s’est efforcé, dans un premier temps, de paraître positif : « 2018 a été une année assez difficile » – avant d’enlever aussitôt le « assez » “positif” et d’insister sur les obstacles rencontrés l’année dernière tant par la chambre consulaire que par le monde économique. Pour la CCI de région, comme pour ses homologues dans le reste de la France, 2018 a effectivement mal commencé avec « l’annonce du ministre [de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire] d’un coup de rabot de 400 M€ sur le budget des CCI, soit 50 % de ressources en moins, étalé sur quatre ans jusqu’en 2022 ». Une coupe qui fait suite, rappelle Alain Di Crescenzo « à une première intervenue en 2012. Ce qui fait que si le ministre va jusqu’au bout du projet, on arrivera à une baisse de 72 % des ressources des chambres de commerce » depuis cette date. Une coupe claire que le président de la CCI d’Occitanie qualifie « d’injuste et d’anti-économique. Injuste, car jamais auparavant on ne nous a demandé de virer 50 % de nos effectifs, au mépris du service aux entreprises ; et anti-économique car, ce n’est pas dans une période où l’on pourrait jouer éventuellement le rebond économique – je dis bien “éventuellement” car ce rebond est en train de s’éloigner de plus en plus – qu’il faut affaiblir les instances qui peuvent justement faire que ce rebond arrive ». Au début de l’année dernière, « on a justement commencé à fermer les robinets en termes d’évolution des effectifs, avec des non-remplacements de partants, et en termes de frais de structure. Tout cela fait que nous avons baissé nos coûts de 25 % en une seule année, alors qu’on les avait déjà baissés de 15 % un an avant, à l’occasion de la fusion » des CCI de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon.
En 2019 et 2020, Alain Di Crescenzo prévoit à nouveau des années « difficiles » : pour la CCIR, la baisse imposée des ressources devrait ainsi s’élever chaque année à 8,5 M€, pour ne laisser à la chambre qu’un budget de 58 M€ « ce qui signifie qu’on va devoir continuer à se transformer » et à mutualiser ses moyens, notamment grâce au numérique. Surtout, Alain Di Crescenzo a l’intention de se « battre pour le réseau des CCI et les missions essentielles des services aux entreprises » car, explique-t-il, « les 100 M€ de baisse de l’année prochaine vont être difficiles à encaisser. Mais si l’on va jusqu’au bout, les 200 M€ qu’il restera, ce sera intenable ! », prévient l’élu, qui se fait fort de « faire changer d’avis le ministre ». Lequel s’inquiète aussi pour le monde économique, à la lumière notamment des manifestations des Gilets Jaunes en fin d’année dernière : « en premier lieu, les commerçant ont payé, et paient toujours, un lourd tribut à ce mouvement dans une période où, pour beaucoup, ils font un tiers du chiffre d’affaires de leur boutique, par exemple dans l’habillement ». Selon Alain Di Crescenzo, la contestation aurait mis « des centaines de milliers de personnes au chômage technique ou partiel, et cela va coûter 0,2 % de PIB ». Résultat, si « en 2017 on a connu une année de rebond pour atteindre un PIB à 2,2 %, cette année on sera à 1,5 % alors qu’on prévoyait à 1,7 % ; or, 1,7 %, ce n’est pas suffisant pour créer de l’emploi durable!»
UNE ANNÉE 2018 POSITIVE POUR L’INDUSTRIE ET LA CONSTRUCTION
Néanmoins – rare note positive dans le discours du président de la chambre régionale de commerce – « en 2018, nous nous en sommes bien sortis en Occitanie, et 2019 ne devrait pas être trop mal ». Armé de la note de conjoncture du troisième trimestre de la Banque de France, Alain Di Crescenzo remarque ainsi que l’actualisation des chiffres de l’année dernière fait émerger « une croissance pour l’industrie à 4,5% là où on attendait 3% », grâce, sans surprise, à l’activité aéronautique et en particulier aux livraisons d’Airbus en fin d’année : sur ce seul secteur, « on s’attendait à 2,3 % de croissance, et on risque d’atteindre 5,2 % voire un peu mieux », se félicite le président de la CCIR. Mais un « bémol sur l’agroalimentaire : là, au contraire, on avait prévu 1,3 % de croissance – assez en deçà de ce qu’on avait connu en 2017, à savoir plus de 3% – et là on nous annonce 0,3 %. Voire presque en négatif, selon les anticipations de la Banque de France » à cause d’un « effet ciseau de contraction des volumes et des prix », explique Alain Di Crescenzo. Quant au secteur de la construction, « c’est plus heureux après quatre années de destruction d’emploi ; en 2017, on était à 5,6 % de croissance, et cette année on sera à 7,2 %, alors qu’on avait prévu 5,4 %, dont l’activité a été beaucoup tirée par les travaux publics ». En revanche, pour les services, cela a été « globalement flat, avec une légère régression ; sauf pour les activités informatiques » qui ont été boostées par l’entrée en vigueur du RGPD, et qui permettent d’envisager « une croissance aux alentours de 9 %, à l’identique de celle de 2017 ». Enfin, sur le plan de l’emploi, les chiffres annuels arrêtés au troisième trimestre montrent, selon Alain Di Crescenzo, « qu’on a sur-performé partout par rapport au reste de la France, avec la création d’un peu plus d’1 % d’emploi salarié, même s’il n’y a pas de quoi sauter en l’air ». Autre motif de satisfaction, « on a créé environ 16 % d’entreprises en plus ; et concernant la baisse des destructions d’entreprise, la région est même en tête par rapport à la France, puisque elle atteint -5,2 % contre 2,7 % » à l’échelle nationale. Mais au cas où l’on serait tenté de se réjouir, le président de la CCI d’Occitanie tient aussitôt à refréner les ardeurs : « les premières tendances pour les défaillances sur le quatrième trimestre et pour le premier semestre ne seront pas du même acabit, car nous aurons l’impact des mouvements sociaux, qui déferle généralement avec six mois de retard».