434 M€ de fonds européens en Champagne-Ardenne

La dernière version du supercalculateur ROMEO de l’Université de Reims Champagne-Ardenne a été financée pour moitié par l’Europe. Cet outil sert à la recherche mais aussi aux simulations des entreprises. (Droits réservés Université de Reims)

À quoi sert l’Europe ? Éléments de réponse avec des projets économiques du territoire co-financés grâce aux fonds de l’Union Européenne gérés par la Région.

Entre 2014 et 2020, 1,4 Md€ a été fléché dans le Grand Est en provenance de l’Union Européenne afin de co-financer des projets de développement régional (FEDER), de soutien à l’emploi et à l’inclusion (FSE) ou d’aide aux projets agricoles et ruraux (FEADER). Avec 434 M€, la Champagne-Ardenne arrive derrière la Lorraine (737 M€) mais devant l’Alsace (259 M€) en terme de montants d’aides européennes. Sans compter les 420 M€ du programme INTERREG pour le développement des coopérations avec les pays frontaliers, dont ceux avec la Wallonie voisine des Ardennes.

Dans le cas des fonds FEDER, la thématique du développement économique (recherche, innovation et compétitivité) pèse 83,6 M€ sur la période. C’est ainsi que l’Europe a contribué pour près de la moitié des 5,6 M€ de la construction du Centre d’Excellence de Biotechnologies et de Bioéconomie de Pomacle-Bazancourt (2016) qui réunit une cinquantaine d’enseignants chercheurs de l’Université et de grandes écoles (Centrale Supélec, AgroParisTech et NEOMA), la bioéconomie étant un axe stratégie tant pour le Conseil régional que pour l’Europe (lire encadré). Autre investissement en faveur de la recherche et de l’innovation, la participation européenne pèse encore 50 % des 5,2M€ de la dernière version du supercalculateur ROMEO de l’URCA, inaugurée en octobre 2018 par le mathématicien Cédric Villani, qui place l’Université à la 250e place mondiale en terme de puissance de calcul. 98 000 € (50 % du projet) ont également été versés à l’URCA pour équiper son plateau technique en imagerie cellulaire et tissulaire d’un scanner de lames histologiques en 2015. Autre figure de proue de l’innovation régionale, la plate-forme ardennaise Platinium 3D a reçu 302 000 € de fonds européens pour accompagner la mutation de l’industrie grâce à la fabrication additive.

SOUTIEN DIRECT AUX ENTREPRISES

En plus des équipements structurants qui sont utilisés par l’économie locale, les entreprises bénéficient aussi plus directement de l’appui de l’Europe lorsqu’ elles portent des projets innovants. La société sparnacienne Duguit Technologies a bénéficié de 112 000 € du FEDER pour élaborer un prototype d’outil robotisé pour l’amélioration des différentes étapes de congélation liées au processus de vinification du champagne. Dans les Ardennes, Systèmes et Technologies de Traitement de Surface et le centre de recherche CRITT-MDTS a reçu 162 000 € pour concevoir un prototype industriel de traitement des matériaux plastiques de formes complexes dans le but d’améliorer leurs capacités d’adhésion.

Dans le cadre du programme Usine du Futur, la société coopérative Le Bâtiment menuisier (Bezannes) a obtenu près de 26 000 € pour acheter une machine de découpe avec assistance numérique. Autre exemple avec le soutien (45 000 €) à la société auboise Artémise, spécialiste du recyclage des sources lumineuses, dans la modernisation de ses lignes de production afin de gagner en productivité tout en améliorant les conditions de travail des salariés.

Source : http://europe-en-champagne-ardenne.eu

« Sans l’Europe, certains projets auraient pu ne pas se faire »

François Werner, vice-président de la Région Grand Est en charge de la Coordination des politiques européennes, Enseignement supérieur et Recherche, comment fonctionne la distribution des fonds européens ?
« L’Europe arrête une enveloppe tous les six ans en définissant des grandes priorités. Le Conseil régional, en travail étroit avec les territoires, élabore ensuite des propositions adaptées. Il y a une co-décision pour valider des axes bien précis. Sur la période 2014-2020, nous avions la particularité d’avoir des enveloppes propres à
chaque ancienne région (Champagne-Ardenne, Lorraine et Alsace) ».

Comment décidez-vous de soutenir tel ou tel projet ?
« Des règles et des taux de subvention sont définis. Un dossier qui remplit les critères est éligible. Nous pouvons aider les porteurs de projet à trouver la bonne formule. L’Europe nous contrôle a posteriori pour vérifier que l’argent a été bien utilisé ».

Les fonds (1,4 Md€ dans le Grand Est) seront-ils bien consommés sur la période 2014-2020 ?
« Nous sommes au-dessus de la moyenne française en terme de consommation de crédits et il y a toujours une accélération en fin de période. Je n’ai pas d’inquiétude même s’il y a eu du retard dans le cadre du programme LEADER du FEADER (projets ruraux) : nous avons travaillé avec les groupes d’action locale pour y remédier. En matière de recherche et d’innovation, nous aurions pu financer des projets petits ou moyens sans l’Europe, mais je ne suis pas certain que cela aurait été le cas pour des équipements comme le CEBB ou le supercalculateur ROMEO. Cela vaut aussi dans le soutien au développement du bio ou de la méthanisation pour les agriculteurs ».

Et pour la période 2021-2027 ?
« Nous commençons à avoir des grandes orientations de l’Europe, elles seront encore plus axées sur l’innovation et la transition énergétique. Cela correspond à notre stratégie pour nous différencier. Mais ce n’est pas encore validé par le Parlement. Nous travaillerons avec les collectivités locales et les différents acteurs (monde consulaire, formation…) pour proposer de nouvelles déclinaisons. Sur le montant de l’enveloppe, les nouvelles sont plutôt bonnes et nous devrions rester proche des 1,4 Md€ de la période précédente. Même si le Grand Est constitue une seule région, les données prises en compte par l’Europe intègrent encore le fait que la Lorraine soit un territoire moins favorisé, ce qui nous permet d’avoir un bon niveau de soutien ».

La bioéconomie au cœur du Mois de l’Europe

La Maison des sciences humaines de l’URCA accueille un colloque de chercheurs jeudi 16 mai
À l’occasion du Mois de l’Europe, un colloque est organisé à la Maison des sciences humaines de l’Université de Reims Champagne-Ardenne le jeudi 16 mai. Il réunira des spécialistes pour débattre de la gouvernance (élections européennes, relations entre les États…), du nationalisme, du développement durable et de la bioéconomie, de la lutte contre la surproduction de déchets… Nicolas Béfort, docteur en sciences économiques, professeur assistant à NEOMA Business School et membre de la chaire bio-économie industrielle, interviendra justement dans le débat sur cette filière phare du territoire. « Au CEBB, nous travaillons avec les autres chaires (AgroParisTech, Centrale Supélec et URCA). Nous apportons notre expertise sur l’économie de l’innovation avec par exemple des thématiques sur les algues et les polymères à mémoire de forme en ce moment. Nous regroupons également de nombreuses données pour fournir des indicateurs », présente-t-il. « Il y a un débat dans la communauté de chercheurs autour de la définition des politiques d’innovation pour favoriser la transition écologique.
Quelle bioéconomie voulons-nous et quelle substitution des ressources fossiles par la biomasse ? », questionne le spécialiste. Nicolas Béfort souligne l’intérêt de participer à un colloque en compagnie de ses paires, d’autant que plusieurs façons de concevoir la bio-économie existent, dont une centrée sur les biotechnologies, une autre sur la bioraffinerie, avec également des différences entre les pays. La France se repose en effet sur les acteurs de l’agro-industrie, alors que l’Allemagne est plus tournée vers la chimie par exemple. « La bioraffinerie mise en place à Pomacle-Bazancourt, s’impose comme la vision dominante », estime le chercheur qui note toutefois que différents critères peuvent être pris en compte et qu’il est difficile de comparer les technologies. « En Sardaigne (Italie), Novamont a par exemple construit un modèle rejetant l’idée de produire des biocarburants. Ils ont obtenu l’interdiction de l’utilisation du plastique à usage unique pour le substituer par un produit biodégradable conçu à base de chardon ». Sans se prononcer sur l’avenir des biocarburants, il estime que la réflexion se fait sur les fonctions attendues des différents produits plutôt que sur la technologie en elle- même car il est complexe de comparer les biocarburants, les voitures électriques ou encore l’hydrogène. Le lendemain, vendredi 17 mai, la journée sera ouverte au grand public à l’hôtel de ville de Reims avec des échanges sur les frontières, les langues, ou encore la culture.

www.grandest.fr/grande-region- coeur-de-leurope/mois-europe