Emmanuel Hacquart39 ans dans l’auto au compteur

Emmanuel Hacquart au côté d’une affiche datant du Salon de l’Auto 1994.

Dirigeant d’un groupe ayant employé 348 salariés et réalisé 130 millions d’euros de chiffre d’affaires à travers douze sociétés, Emmanuel Hacquart a pris sa retraite après avoir tour à tour revendu ses concessions Renault, Dacia, Kia, Volvo, Nissan et Opel.

Né à Boulogne-Billancourt, « commune placée sous le losange Renault » comme il aime à le rappeler, Emmanuel Hacquart, parce que son père était ingénieur dans la sidérurgie, a passé sa jeunesse en Lorraine puis à Fos-sur-Mer.

Il continue son cursus scolaire de la troisième à la terminale au lycée de Martigues où il rencontrera sa future épouse, réussit son bac scientifique en 1976 et manifeste très vite son intention de faire comme son oncle, alors patron d’une concession automobile. « Quand on est jeune, on identifie volontiers ce secteur à un métier facile avec de belles voitures et de beaux voyages, bref un truc sympa, alors qu’il faut aussi beaucoup de travail ».

De 1976 à 1980, il se lance dans des études commerciales à l’ISC Paris, effectue ensuite son service militaire comme élève officier de réserve à l’école St Cyr Coëtquidan où il termine major de sa promotion, ce qui lui permet de choisir les Chasseurs Alpins de Chambéry.

En 1982, après avoir fait six mois à la succursale Renault de Strasbourg, il entame sa vie professionnelle dans les Ardennes. Là où son grand-père, Pierre, avait créé la première concession Renault en 1926 avant de la céder à Michel.

DU POIDS LOURD À L’AUTOMOBILE

« J’ai débuté à Bourgogne Champagne Automobiles comme responsable des ventes d’une société de location qui fut la plus grosse agence Hertz de France, avant d’être à la tête de la société de camions Clovis et de passer chez Ardennes Poids Lourds, le concessionnaire RVI, dont j’ai piloté le déménagement de à Vrigne-aux-Bois ». Entre-temps, le groupe Hacquart avait racheté des sociétés de poids lourds à Thionville et Longwy pour employer 150 salariés. Emmanuel intègre ainsi l’automobile en 1995, devenant signataire des contrats Renault à un moment où son oncle lui passe progressivement la main.

À une période où la concentration des groupes automobiles commence à émerger, Renault manifeste son envie de collaborer avec des interlocuteurs coiffant plusieurs concessions et actionnaires majoritaires dans leurs propres sociétés. « Ce qui m’a amené avec mon oncle à racheter des parts familiales et à emprunter à l’époque, plusieurs millions, pour absorber d’autres marques automobiles, là où il y avait un potentiel de croissance ».

En 1999, l’entité Hacquart vend toute sa partie camions dont Renault V.I. à différents groupes pour réorganiser son réseau autour de la voiture. «Très vite, je me suis rendu compte de la nécessité de grossir. C’est pourquoi on a racheté la concession Renault de Rethel et Nissan à Charleville-Mézières où nous avons été les premiers en France à faire du Renault-Nissan ».

Ne voulant pas stopper un rêve qui marche bien, Emmanuel Hacquart se consolide encore et élargit son éventail de marques par les absorptions de Renault Vitry-le-François et Sainte-Menehould en 2003, la reprise de Kia en 2008, Opel en 2010 en le sauvant de la faillite, et les points de vente Renault de Chaumont, Langres et Bar-sur Aube en 2011.

Après avoir reçu en 2010, le prix de « concession française Nissan de l’année » et avoir fait partie du « Top 100 », il bat en 2019 son record d’immatriculations avec 5 000 voitures neuves vendues sur une vingtaine de sites.

« Nous avons représenté jusqu’à plus de 50% du marché automobile ardennais mais l’activité continuait de se concentrer et comme aucun de mes quatre enfants n’avait jamais émis le souhait de me relayer en continuant la saga familiale, je me suis résolu à prendre mon destin en mains et à choisir seul mon avenir avant que les constructeurs me l’imposent ».

LA VENTE DE RENAULT

C’est ainsi qu’Emmanuel Hacquart, qui avait alors 57 ans, s’est d’abord décidé, fin 2015, l’année des 90 ans du groupe familial, à vendre Renault, son vaisseau amiral qui représentait 80 % du chiffre d’affaires du groupe, « un gros morceau » constitué de cinq concessions et deux agences et employant 250 des 350 salariés d’alors.

« Estimant qu’un groupe moyen comme le nôtre n’avait plus d’avenir dans le paysage, j’ai cédé mes affaires le 30 juin 2016 à Antoine Guillou à Charleville-Mézières et Thierry Ducreux à Chaumont et Langres. Un choix que je n’ai pas regretté car c’était le bon moment de vendre. Les affaires marchaient encore bien à l’époque. J’ai eu le nez fin ». L’idée n’était pas alors de prendre sa retraite mais de réduire la voilure. « N’ayant plus de marque premium, j’ai ensuite tapé à la porte de Volvo pour ouvrir la concession “Auto Premium 08” à Charleville-Mézières, ce qui a bien marché contrairement à l’échec connu lors de la reprise de Mitsubishi ». Après ce premier revers, Emmanuel Hacquart va prendre un autre coup de bambou sur la tête, difficile à digérer.

LACHÉ PAR KIA, IL TOURNE LA PAGE

En avril 2019, le constructeur Kia lors d’une visite paraissant anodine « m’a fait savoir qu’il ne voulait plus de moi en me demandant de vendre, alors que tous les clignotants étaient pourtant au vert dans tous les critères avec cette marque. Ce n’était nullement prévu et je me suis alors aperçu qu’il ne suffisait pas d’être bon dans ce métier pour pouvoir durer. Je n’ai toujours pas com- pris cette décision sans le moindre ménagement. N’ayant pas voulu vendre au départ, j’ai été résilié. Cette grosse déception a été pour moi le début d’une remise en cause ».

Emmanuel Hacquart envisage alors l’avenir autrement.

Après avoir pensé reprendre une marque chinoise pour compenser la perte de Kia, il cède finalement ses trois autres concessions.

Il trouve un accord avec de gros groupes : Emil Frey France, leader européen de la distribution automobile, pour Volvo (une première pour l’acheteur) et Nissan ; Hess Automobile pour Opel qui est donc retourné à Prix-les-Mézières près de Peugeot. Une affaire pliée en l’espace de neuf mois. « Le temps d’un accouchement officiellement acté le 31 mars 2021 ».

En retraite, ce passionné de l’automobile a tourné la page en vendant son empire et en ne conservant dans son portefeuille que l’agence de location Hertz, l’un des plus anciens sites franchisés du loueur, et des biens immobiliers. « Finis les objectifs mensuels et le stress, je vais avoir plus de temps libre à utiliser », dit celui qui a été associé durant 20 ans avec son épouse, Aude, sa DRH.

Définitivement rangé des voitures, il entend outre la lecture, la marche et la transmission de son expérience à de jeunes entrepreneurs vivre au plus près de ses quatre enfants et huit petits enfants. Tout en se consacrant à l’hôtel 4 étoiles « La ferme de la Huppe » racheté en 2018 sur un coup de cœur à Gordes dans le Lubéron et tenu depuis par sa fille et son gendre.

Parcours

1959 Né le 1er janvier à Boulogne-Billancourt « sous le losange Renault ».
1982 Arrivée dans les Ardennes le 1er février.
1995 Devient officiellement le président du groupe Hacquart le 1er juin.
2016 Le 30 juin, il vend ses concessions Renault à Antoine Guillou.
2021 Il cède le 31 mars les concessions Nissan, Opel et Volvo.