2021, année du rebond?

La Banque de France a publié les résultats de son enquête de conjoncture régionale. Après le choc de 2020, et alors que certains secteurs sont encore à l’arrêt, d’autres voient leurs perspectives s’améliorer timidement…

La crise économique est-elle enfin derrière nous ? S’il est bien trop tôt pour en juger, cela n’empêche pas certains d’afficher un (petit) brin d’optimisme. C’est le cas de Stéphane Latouche, directeur régional de la Banque de France d’Occitanie, qui, à l’occasion de la présentation des résultats de la dernière enquête de conjoncture régionale menée par l’établissement auprès de 2 200 entreprises (représentant 212 000 salariés et 42 Mds € de chiffre d’affaires), a souhaité, à contre-courant du pessimisme ambiant, faire passer un message d’espoir.

« On a parfois l’impression que l’économie est à l’arrêt, mais selon nos estimations et celles de l’Insee, l’économie française tourne à 95 % de son niveau d’avant crise et cela dure depuis un petit moment », affirme ainsi Stéphane Latouche (NDLR depuis juillet 2020 à l’exception de novembre où l’activité a atteint seulement 93 % du niveau d’avant crise). La Banque de France vient par ailleurs de confirmer sa prévision de croissance du PIB français de 5 % cette année, ce qui constitue pour le directeur régional un autre motif d’espoir. « Nous sommes confiants dans cette prévision car, à conditions sanitaires inchangées et sous réserve de l’hypothèse que le gros des vaccinations soit engrangé cette année, nous constatons une forte capacité de rebond de l’économie française. Cf. les 18 % de croissance enregistrée au troisième trimestre – la plus forte croissance de la zone Euro. Cf. également la consommation des ménages en décembre qui progresse de 15 %. On sent bien que, dès lors que les contraintes sanitaires se libèrent un peu, l’économie repart très vite. Bref, ce qui nous permet d’être optimistes, ce sont les vaccins, la résilience des entreprises, qui ont appris à fonctionner en période de crise, et cette forte capacité de rebond. Et on peut ajouter également le plan de relance. » 

Tout n’est pas rose pour autant, notamment en région. Le « choc majeur » qu’a constitué 2020 a en effet été « plus durement ressenti dans notre région compte tenu de sa spécialisation aéronautique », ajoute Stéphane Latouche, même si « les dispositifs de crise ont permis de protéger au mieux les entreprises ». De fait, ce choc est « très différencié : si l’aéronautique tourne à 30 ou 35 % en dessous de sa moyenne, la plupart des secteurs ont des niveaux d’activité proches de la normale » tandis que « les secteurs du sport, de l’événementiel, la culture, sont sinistrés. » 

HUIT POINTS EN DESSOUS 

Compte tenu de ses spécificités, l’Occitanie affiche dès lors, dans certains secteurs, des niveaux de croissance en retrait par rapport au national, reconnaît Stéphane Latouche. « En janvier, l’industrie régionale tourne à 83 % de son potentiel (et les prévisions pour février sont identiques), quand la moyenne nationale est à 91 % (92 % selon les prévisions de février). On mesure directement là l’effet de la crise aéronautique, ajoute-t-il. L’économie régionale est donc huit points en dessous du national. Elle subit les contre-coups des difficultés du secteur aéronautique. » 

Le second des trois secteurs sur lesquels porte l’enquête de conjoncture régionale de la Banque de France, les services marchands, affiche, lui, un niveau d’activité équivalent au national, à 82 % de la moyenne d’avant crise. « Si on n’est pas proche du 100 %, pointe Stéphane Latouche, c’est qu’on a là des secteurs tels que l’hébergement-restauration (qui tourne à 35 % de son niveau d’avant crise), le monde du spectacle, etc., tandis que d’autres services marchands comme les transports fonctionnent à près de 100 %. » Dernier secteur sous revue dans cette enquête de conjoncture régionale, le BTP (bâtiment et travaux publics) affiche, pour sa part, « un petit décrochage, à 90 % du niveau d’activité d’avant crise, contre 96 % au national », constituant pour le directeur régional « une petite déception ». 

Ce dernier a cependant d’autres raisons d’être confiant dans l’avenir. « Nous n’identifions pas, à ce jour, de difficultés de financement des entreprises », affirme-t-il. Au 22 janvier 2021, en Occitanie, 63 711 entreprises ont ainsi pu bénéficier d’un prêt garanti par l’État (dont 89 % de TPE) pour un montant global d’environ 8,9 Mds €. « Le crédit est extrêmement abondant. Ainsi le crédit aux entreprises a progressé en novembre de 15 % en région alors que l’économie se contractait de 9 % », constate Stéphane Latouche. 

CHOC MAJEUR 

L’enquête régionale de la Banque de France menée auprès des chefs d’entreprise des secteurs de l’industrie, des services marchands et du BTP, permet de mesurer l’ampleur des répercussions de la crise sanitaire sur l’économie occitane. De très nets reculs de niveaux d’activité ont ainsi été observés l’an dernier : de l’ordre de -16 % dans l’industrie, -11 % dans les services et -7 % dans le BTP. « Nous sommes globalement dans les prévisions que nous avions rajustées à mi-année à l’exception de l’industrie – et c’est un petit peu la bonne nouvelle – puisque les chefs d’entreprise nous avaient annoncé des baisses de l’ordre de -20 %, pointe Pascal Robert, responsable du service des études à la Banque de France. Globalement, c’est près d’un tiers des entreprises, quel que soit le secteur, qui enregistrent pour 2020 des baisses d’activité. Les prévisions pour 2021 font état d’un rebond assez homogène dans les trois grands secteurs : +7 % dans l’industrie et les services et +6 % dans le BTP. Ce qui signifie cependant qu’il n’y aura pas en 2021 de retour aux niveaux d’activité de 2019 puisque les croissances annoncées sont plus faibles que les baisses enregistrées. » 

DES AMORTISSEURS 

Autre crainte pour l’instant évacuée : « l’emploi n’a pas servi de variable principale d’ajustement », note encore Stéphane Latouche. Les baisses d’effectif ont ainsi été relativement contenues en 2020, de l’ordre de -6 % dans l’industrie contre -1 % dans les services marchands et -4 % dans le BTP. « S’agissant des effectifs, les mesures gouvernementales ont permis d’atténuer le choc », note de son côté Pascal Robert. Pour l’année en cours, tandis que dans les services et le BTP, les chefs d’entreprise interrogés anticipent une hausse de 2 % des effectifs, le secteur de l’industrie s’attend, lui, à de nouvelles destructions d’emploi, de l’ordre de -2 %. De fait, si le chômage partiel et l’activité partielle de longue durée (APLD) ont permis de stabiliser les effectifs salariés, « c’est l’intérim, ajoute Pascal Robert, qui a joué le rôle de variable d’ajustement et plus encore l’investissement productif. Dans l’industrie, qui représente les deux tiers des investissements totaux, les outils de production étaient quasiment à saturation, ce qui permettait d’anticiper, notamment dans l’aéronautique, des cadences beaucoup plus élevées. On comprend donc bien cet arrêt brutal des programmes d’investissement (-34 % en 2020). Ce qui est aussi frappant, c’est le rebond anticipé pour 2021 toujours dans l’industrie, avec une hausse des investissements de 21 %. On voit déjà là les prémices des effets des différents plans de relance qui vont nécessiter des investissements. On voit bien aussi qu’il y a une reprise de la confiance au bout du 3e et du 4e trimestre 2020. » 

Immanquablement, cette baisse d’activité a eu, en 2020, des conséquences fortes sur la rentabilité des entreprises. Les soldes d’opinions des chefs d’entreprise constatant une dégradation de la rentabilité d’exploitation sont ainsi négatifs dans les trois grands secteurs étudiés : -50 points dans l’industrie, -31 dans les services marchands et -19 dans le BTP. Plus globalement, sur l’ensemble de l’économie régionale, « un tiers des entreprises annoncent une baisse de rentabilité inférieure à 10 %, un tiers entre 10 et 30 % et un tiers au-delà de 30 % »,précise Pascal Robert. Pour 2021, la tendance s’inverse cependant, dans les trois grands secteurs. Les chefs d’entreprise prévoient une amélioration de leur rentabilité, avec des soldes positifs de l’ordre de +32 points dans l’industrie, +21 dans les services marchands et +26 dans le BTP. 

« Je me réjouis que les chefs d’entreprise gardent confiance dans l’avenir, conclut Stéphane Latouche. L’arrivée des vaccins y a fortement contribué, mais on apprend à être extrêmement prudent. Le scénario de croissance du PIB (après -8,3 % en 2020, +5 % en 2021, +5 % en 2022, +2 % en 2023) est construit sur une non-dégradation de la situation sanitaire en 2021 et d’une fin de campagne de vaccination fin 2021. Tout dérapage sur ces deux sujets nous amènera à réviser à la hausse ou à la baisse cette prévision. » 

Aéronautique : rebond attendu de 12 % dans l’industrie 

Les services, toujours très prudents, anticipent une légère baisse d’activité 

La Banque de France a mesuré l’effet d’entraînement des difficultés de la filière aéronautique sur l’économie régionale. Ainsi le recul d’activité dans l’industrie aéronautique est de -34 % contre -16 % pour l’industrie régionale dans sa globalité et de -25 % dans les sociétés de services qui travaillent majoritairement pour l’aéronautique contre -11 % au global pour les services marchands. 

Si l’industrie aéronautique s’attend à un rebond d’activité en 2021, de l’ordre de 12 %, en revanche les sociétés de services sont beaucoup plus prudentes qui annoncent une nouvelle baisse d’activité de 3 %. 

Sachant, comme le rappelle Pascal Robert, que si plusieurs PSE ont déjà été signés, « d’autres sont encore en cours de négociation ou renégociation », des baisses d’effectifs sont à nouveau annoncées pour 2021, à la fois dans l’industrie et les services, de l’ordre respectivement de -9 % et -3 %.

« Un des défis de la filière aéronautique est d’abaisser son poids mort d’environ 30 %, détaille Stéphane Latouche. L’APLD est une réponse majeure, mais on ne peut pas exclure qu’il y ait besoin d’autres mesures d’ajustement puisque l’IATA (Association internationale du transport aérien) ne prévoit de retour à la situation d’avant crise qu’à l’horizon 2024 voire 2025. Il y a donc un vrai défi pour la filière aéronautique : d’une part préparer l’avion de demain – et là il y a de gros investissements avec le plan de relance –, et d’autre part, à très court terme, adapter sa voilure à un marché qui va mettre cinq à six ans pour retrouver son niveau d’avant crise. » 

Après avoir fortement baissé en 2020, de l’ordre de -66 %, les investissements dans l’industrie aéronautique (hors Airbus) devraient ainsi repartir à la hausse cette année à +31 %, sous l’effet des différents plans de relance. Un optimisme que ne partagent les dirigeants des sociétés de services qui après une chute de 57 % de leurs investissements en 2020, prévoient une nouvelle contraction à hauteur de -29 % cette année.