20 ans après, serrer les rangs autour de l’euro

Sylvie Goulard, sous-gouverneure de la Banque de France, entourée de Jean-Christophe Ehrhardt, directeur régional pour le Grand Est, Nicolas Resseguier, directeur départemental pour la Marne, Jean-Marie Beaupuy, ex-député européen, et trois étudiants de Neoma Business School.

La monnaie européenne, qui a 20 ans, est garante de l’avenir des Européens. C’est le constat établi par Sylvie Goulard, sous-gouverneure de la Banque de France, lors d’une conférence donnée dans les locaux rémois de l’Institution.

L’Europe, la monnaie européenne, l’économie continentale… Vastes sujets dont l’abord n’est pas toujours évident. Sauf quand la limpidité du propos donne à en comprendre simplement les tenants et les aboutissants. À ce petit jeu, Sylvie Goulard, sous-gouverneure de la Banque de France, sait parfaitement de quoi elle parle (elle fut notamment conseillère du président de la commission européenne, Romano Prodi, de 2001 à 2004, et députée européenne de 2009 à 2017). Dans les locaux rémois de la Banque de France, devant une assistance particulièrement fournie, son intervention sur le thème « 20 ans de l’euro. Quelles perspectives ? » (sous-titrée « Comment approfondir et améliorer le fonctionnement de l’économie européenne ») a séduit par sa concision et sa clarté.

DES OBJECTIFS ATTEINTS

Sylvie Goulard a ainsi montré comment l’euro, monnaie sans État, a atteint en 20 ans les objectifs de ses fondateurs. Objectif politique, d’abord, visant à rendre plus solide la coopération européenne ; objectif économique, ensuite, grâce à la stabilité engendrée par la valeur commune des échanges entre européens. De 1999 à 2018, il y a eu sur la zone euro trois fois moins d’inflation qu’auparavant. Et l’euro est devenu la deuxième monnaie de réserve des banques centrales (derrière le dollar), témoignant ainsi de la confiance qu’il suscite.

Les réalités de l’environnement mondial plaident pour la poursuite de ce qui a été entrepris par l’Europe communautaire, qui va avoir à relever plusieurs défis : un défi démographique sans précédent dans l’histoire de l’humanité, alors même que l’Europe vieillit (si elle représente aujourd’hui 8,3 % de la population mondiale, ce pourcentage tombera à 6,5 en 2050) ; un défi technologique, pour lequel l’Europe doit continuer à investir ; un défi climatique, dont s’emparent les opinions publiques. Aucun pays européen ne peut relever seul ces défis.

L’ESCROQUERIE DU BREXIT

Pour y parvenir, il faut des économies performantes… et des gains de productivité. Il faut que les niveaux de vie des pays européens convergent – vers le haut, bien sûr – ce qui n’est pas tout à fait le cas actuellement. La création d’un « budget de la zone euro », selon les vœux du président Macron, y contribuerait certainement. Mais, comme le constatait Sylvie Goulard, « les progrès sont laborieux car la crise a mis à mal la confiance entre les pays de la zone euro »

Pourtant, le Brexit – qui, selon la sous-gouverneure, « a été une fabuleuse escroquerie pour ceux qui y ont cru » – aurait justement tendance à montrer que l’euro ne fonctionne pas si mal : en quittant la zone euro, le Royaume-Uni pourrait perdre, selon les projections effectuées, 8 % de croissance ! « Fermer les frontières pour être plus heureux ? Pas sûr que ce soit l’avenir », relève Sylvie Goulard avant de conclure : « L’euro a ses défauts, qu’il faut corriger. Mais il faut surtout serrer les rangs autour de lui, même si la vie collective est un peu plus complexe… ».

Les chiffres des 20 ans de l’euro
L’euro a ainsi acquis la confiance forte des 340 millions d’Européens dans 19 pays : 75% soutiennent leur monnaie selon la Banque de France.

INFLATION
Dans l’ensemble de la zone euro, l’inflation moyenne a été de 1,7 % par an, près de trois fois moins que durant les vingt années précédentes.
TAUX DE CHANGE
Les voyages sont plus faciles en Europe : on y circule sans avoir besoin de changer de devises.
Pour les entreprises, la volatilité et le risque de change sont supprimés entre les pays de la zone euro. La France réalisant près de 50% de ses échanges avec les autres pays de la zone euro, l’euro constitue un grand progrès pour aider nos entreprises à exporter, ce qui est bon pour l’emploi.
POUVOIR D’ACHAT
En France avant l’euro, les prix doublaient en 14 ans ; depuis l’euro, l’inflation a été beaucoup plus faible, et il faudrait désormais attendre 50 ans pour voir les prix doubler. Les gains pour le pouvoir d’achat peuvent se mesurer en regardant l’évolution du prix de la fameuse baguette de pain : depuis 2001, le temps de travail nécessaire à l’achat d’une baguette a diminué de 9%.
Depuis 1999, le pouvoir d’achat moyen par habitant a augmenté de 20% en France, nettement plus que dans le reste de la zone euro (12 %). Pourtant les perceptions peuvent être différentes, y compris parce que ces moyennes ne distinguent pas la situation individuelle de chacun. La maîtrise de l’inflation et une monnaie stable, c’est aussi la préservation de l’épargne.
CROISSANCE ET EMPLOI
Les financements sont moins chers pour tous les acteurs : l’État, les entreprises, les particuliers. L’euro étant solide, il inspire confiance aux prêteurs et cela permet à la France d’emprunter presque au même taux d’intérêt que l’Allemagne. Par rapport à la période antérieure du Franc, l’État économise ainsi chaque année au moins 35 milliards d’euros, soit l’équivalent du budget de la Défense. Les entreprises et les ménages obtiennent des crédits à des taux plus bas. L’euro et la politique monétaire accommodante ont contribué à la croissance et à l’emploi. La croissance du PIB par habitant s’est élevée en cumulé entre 1999 et 2017 à 19 % en zone euro, presque autant qu’aux États-Unis (21 %).

Source : Banque de France

Seul l’achat de carburant nécessite plus de temps de travail qu’en 2001.